Il était une fois Mathieu Kérékou, personnage charismatique et atypique : 9 ans déjà que le Général a tiré sa révérence
Il y a neuf (9) ans que le président qui a connu le plus long règne à la tête du Bénin s’éteignait par un après-midi dans sa « résidence des filaos ». Une nouvelle qui venait ainsi fermer la page d’un parcours politique jonché d’événements majeurs pour le pays.«J’ai la profonde douleur de vous annoncer la disparition ce mercredi 14 octobre du général président Mathieu Kerékou», c’est par ces mots que Thomas Boni Yayi alors président de la République annonçait à la presse nationale et internationale, la mort de son prédécesseur. L’ancien président Mathieu Kérékou est en effet mort à l’âge de 82ans. Un événement qui avait alors provoqué un deuil national décrété par le gouvernement béninois.Le patriarche avait quitté le pouvoir en 2006, à l’âge de 72 ans, atteint par la limite d’âge constitutionnelle. Né le 2 septembre 1933 à Kouarfa, dans le nord du Bénin, il est sans doute l’homme politique qui a le plus marqué le Bénin, qu’il a dirigé d’abord comme autocrate militaro-marxiste avant d’accepter l’avénement du processus du renouveau démocratique et d’être élu à deux reprises, une première fois contre son successeur Nicéphore Soglo et de rempiler ensuite contre Bruno Amoussou pour boucler la boucle.Formé à l’École des enfants de troupe de Kati (Mali) et à celle de Saint-Louis (Sénégal), il poursuivra sa formation dans la France coloniale de l’époque, notamment à l’École militaire de Fréjus et à l’École d’état-major de Paris. Puis il devient aide de camp du premier président du Dahomey à l’indépendance, Hubert Maga (1960-1963)Quand à la fin de 1967, le président Christophe Soglo (l’oncle du futur président Nicéphore Soglo) est renversé, Kérékou dirige le Comité militaire révolutionnaire en charge de la supervision du gouvernement. Il rend le pouvoir aux civils, l’instabilité politique continuant (il y a quatre coups d’État dans les années 1960), il prend le pouvoir en 1972 par un putsch, renversant le président Justin Ahomadegbé. Il est alors chef d’état-major adjoint de l’armée et installe un régime marxiste-léniniste qui sera vite vomi par la population. En 1975, il proclame la République populaire du Bénin et impose la chemise à col Mao. Il ira même jusqu’à interdire le vaudou et mener sa fameuse chasse aux sorcières.Mais en décembre 1989, confronté à une grave crise économique et à une forte contestation sociale, il renonce à l’idéologie marxiste. Il convoque en février suivant une conférence nationale, rassemblant opposants et représentants de la société civile, la toute première d’une longue série en Afrique.Retors, le vieux briscard reconnaît publiquement ses erreurs, adopte un profil bas et se soumet à toutes les décisions de la conférence dont il reconnaît la souveraineté, acceptant pour finir l’installation d’un gouvernement de transition avec pour Premier ministre Nicéphore Soglo, ancien haut fonctionnaire à la Banque mondiale. S’en suit une traversée du désert où le personnage fait profil bas des années durant se murant dans un mutisme total après avoir perdu les présidentielles de 1991 contre Soglo. Durant sa traversée du désert, il rejette l’athéisme et devient même pasteur évangélique… Sans renoncer au pouvoir pour autant. En 1996, il reprend du poil de la bête et revient de manière fracassante sur le devant de la scène en remportant la présidentielle avec le soutien de la quasi-totalité des opposants au président Soglo, qui se rallient à sa candidature.Il est réélu en 2001 à l’issue d’une présidentielle sans véritable enjeux. Le président Boni Yayi lui succèdera en 2006. Mais même retraité, il continuera de peser sur la politique béninoise. Dans l’ombre, mystérieux et hiératique, justifiant jusqu’au bout le surnom que les Béninois lui ont donné : le Caméléon.
Saliou Baguiri