Mafia au niveau des morgues et du secteur funéraire : L’ONG Bénin Diaspora Assistance de Médard Koudébi voyait le danger venir • Création d’un fichier national pour des décès proposée
Depuis les premiers pas vers la démocratie dans les années 90, le Bénin a navigué dans les eaux tumultueuses de la politique, mais aussi des réformes souvent promises mais rarement réalisées. Au cœur de cette dynamique, une complicité troublante émerge entre la classe politique et les intérêts privés, notamment dans le secteur funéraire. De véritables mafias se sont développées autour des morgues où les corps s’entassent dans des conditions insalubres qui bafouent la dignité humaine. Au Bénin, les morgues fleurissent comme des champignons après la pluie. Malheureusement, Ces ‘’dépotoirs déguisés’’ présentent un spectacle déchirant de négligence et de non-conformité aux normes de santé et de sécurité. Des installations vétustes, des équipements défaillants, des conditions d’hygiène déplorables et même l’absence de chambres froides adéquates témoignent d’une situation critique et alarmante dans le secteur. Les morts ne se reposent pas en paix. Dans certaines morgues illégales, les corps sont empilés les uns sur les autres, dans un état avancé de putréfaction. Face à une telle situation, l’ONG Bénin Diaspora Assistance a mené plusieurs actions pour l’amélioration du secteur funéraire au Bénin. Mais, selon le Béninois Médard Koudébi, spécialiste de l’hygiène funéraire, des mains invisibles ne veulent pas de la réorganisation de ce secteur aussi crucial pour la santé publique. L’ONG Bénin Diaspora Assistance, un présage ! Médard Koudébi n’a cessé de lancer des cris d’alarme. De Boni Yayi à Patrice Talon, les doléances et recommandations restent confrontées à la « mafia » dans ce qu’il appelle « industrie de la mort ». En 2011, une lettre appuyée de 30 questions, a été adressée au président, selon le spécialiste de l’hygiène funéraire. En ce qui le concerne, le gouvernement aurait répondu que « tout se fait par jurisprudence » dans ce domaine. Donc il n’est régi ni par une quelconque règle ni par une loi en République du Bénin. Le gouvernement aussi soucieux de rénover ce secteur est d’accord pour le partage des connaissances et se dit prêt à accompagner les activités de l’ONG. Cette dernière a déroulé, dans ce sens, une série de formations permettant d’outiller les acteurs concernés sur la gestion des corps. Plusieurs activités ont été menées dans le but de reformer le secteur. Il a été aussitôt envisagé d’élaborer et valider les textes qui vont régir le secteur funéraire au Bénin. « Ce projet interministériel de 127 articles, 21 pages et 09 chapitres réglait tous les problèmes jusqu’à la durée maximale de séjour d’un corps dans une morgue en République du Bénin » a juré Médard Koudébi qui regrette le sabotage de certains participants à l’atelier. L’état désolant des morgues au Bénin, des poissonneries devenues morgues, défient les lois de la salubrité. Les documents joints révèlent la réalité brutale du secteur funéraire au Bénin. Des chambres froides pour poissonneries transformées en morgues, des conditions inacceptables pour les défunts et leur famille, et même des abus choquants. Dans le rapport général de la mission de contrôle administratif, d’appui conseil, et de suivi des activités de pompes funèbres dans les départements du Bénin, au titre de l’année 2016, l’ONG Bénin Diaspora Assistance a révélé que la quasi-totalité des morgues ne dispose pas de l’agrément d’ouverture du ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique (MISP). Selon le rapport, elles ne possèdent pas non plus de laboratoire post mortem, et les méthodes utilisées pour la conservation des corps sont catastrophiques et caduques, humiliantes, à la limite. A titre d’exemple, un mort est gardé depuis six (06) années dans une morgue traditionnelle à Toffo et la morgue est appelée à fermer ses portes. D’autres morgues traditionnelles dans l’Atlantique et le Zou doivent fermer sur recommandations. L’ONG a remarqué qu’en absence de laboratoire post mortem, les dépouilles sont conservées dans des chambres froides ou des containers frigorifiques. Les corps des personnes décédées de cause naturelle, de fièvre de Lassa ou de choléras sont tous enregistrés et jetés les uns sur les autres. Les promoteurs des morgues ne sont pas suffisamment informés des exigences du secteur funéraire et prennent à la légère les phases d’études nécessaires avant et après autorisation d’ouverture de leurs structures. Pourquoi une telle aberration dans le pays ? La mauvaise foi de ceux qui nous gouvernent… Pourquoi la réforme des morgues et du secteur funéraire n’a-t-elle jamais suscité un réel intérêt parlementaire depuis l’indépendance ? Les réponses peuvent se trouver dans les méandres de la politique et les alliances qui privilégient souvent les intérêts individuels au détriment du bien public. Médard Koudébi condamne avec fermeté cette mauvaise foi des politiciens. L’industrie de la mort compte de nombreux hommes politiques béninois, dénonce ce Béninois. La majorité des morgues au Bénin « appartiennent à des hommes politiques et à leurs proches » pour des fins « malhonnêtes ». Pour eux, ce secteur est non seulement une arme politique, mais aussi un moyen de détournement des deniers publics. Par exemple, lorsqu’une personne décédée est placée dans une des morgues appartenant à un politicien, « son acte de naissance est acheté en vue d’être utilisé à l’occasion d’une élection ». Sur le plan financier, le trésor est régulièrement arnaqué par « des fonctionnaires décédés, des veuves fictives et des entreprises créées aux noms de défunts ». Fort de cela, même en huit ans de gouvernance, le président Patrice Talon, entouré de ces personnes partisanes pour la reforme mais pas au fond, n’a pas réussi à faire avancer significativement ce dossier. Malgré un projet de décret interministériel approuvé en décembre 2017, la concrétisation de cette réforme reste un mirage. Les raisons de cette impasse soulignent les complexités politiques et économiques qui entravent les progrès dans ce domaine crucial. « Tous nos efforts ont été vains » puisque la mauvaise volonté des politiques primait sur les différentes propositions. La proposition de créer un fichier national pour des décès a été vu « trop blanc pour être béninois » s’en désole Médard Koudébi. Alors que ce fichier allait permettre d’éviter la création des entreprises au nom des morts, mieux l’actualisation automatique de la liste électorale au niveau du ministère de la santé, a expliqué le spécialiste. Mais les fonds mis dans l’actualisation des fichiers électoraux sont, pour la plupart du temps, au profit de ces «mafieux». Pour lui, «la politique est égale à la malhonnêteté, le mensonge en politique est le vérité officielle». Le silence persistant du Chef de l’État Patrice Talon malgré l’existence d’un projet depuis 2017, est source de préoccupation croissante. Les besoins urgents se font sentir à travers le pays, mais le projet n’a jamais eu le «OK» du Chef de l’Etat. Face aux différentes préoccupations, il est impératif que les autorités politiques prennent des mesures concrètes pour remédier à cette situation. Le respect et la dignité des défunts, ainsi que le soulagement des souffrances des familles endeuillées, doivent être au cœur de toute politique funéraire future.
Salami Olalékan Alabi Salami