Transhumance politique : Une pratique à la peau dure

En apparence calme, le paysage politique béninois connaît pourtant une profonde mutation à quelques mois des prochaines élections générales. Les mouvements d’élus quittant leur formation d’origine pour rejoindre d’autres partis s’intensifient, mettant à rude épreuve la réforme du système partisan, l’un des principaux chevaux de bataille du Chef de l’État dans son programme de réformes multisectorielles.
La récente passe d’armes entre Jacques Ayadji, de MOELE-Bénin, et des membres de l’Union Progressiste (UP) le Renouveau, qu’il accuse de débauchage de ses partisans, illustre une fois de plus la persistance du débat sur la transhumance politique au Bénin. Si les accusés se défendent avec des arguments plus ou moins convaincants, la question du militantisme de conviction reste entière.
Au sein de la mouvance présidentielle, le jeu de chaises musicales entre militants du Bloc Républicain et de l’Union Progressiste le Renouveau se poursuit dans presque toutes les circonscriptions électorales. Même dans l’opposition, ce fléau congénital n’épargne pas la Force Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE), qui en avait déjà dénoncé les effets. Quant au parti Les Démocrates, moins touché en apparence, il constitue néanmoins un refuge pour de nombreux mécontents du régime actuel, à l’image de Suzanne Élise Placide Tama, chef d’arrondissement central de la commune de Banikoara, qui a récemment rejoint ses rangs avec armes et bagages.
Qu’il s’agisse des partis au pouvoir ou de l’opposition, le projet de renforcer la primauté des formations politiques sur leurs acteurs peine encore à s’imposer comme leitmotiv. En fonction des intérêts du moment et des stratégies de repositionnement, hommes et femmes politiques franchissent allègrement les lignes, nouant parfois des alliances contre nature sans arrière-pensée.
Ce constat montre que le chantier de la réforme partisane est loin d’être achevé, au risque de devenir un éléphant blanc. Que ce soit sous la présidence de Patrice Talon ou sous celle de son successeur, quel que soit le camp politique concerné, il est impératif de tirer les leçons des échecs et insuffisances actuels. Il s’agit de faire progresser cette réforme vers un cadre légal robuste, qui replace la morale politique et la fidélité aux idéaux au cœur du débat démocratique.
Saliou BAGUIRI